Isabelle d’Espagne

Isabelle d’Espagne est loin d’être un personnage banal. Alors que la réforme a rejeté la femme dans la soumission. La très pieuse Isabelle d’Espagne se refuse à se laisser enfermer dans un carcan, ou tout au moins dans un carcan dont elle ne pourra choisir la taille…
Elle est une excellente cavalière, tire à l’arc et à l’arquebuse… Mais elle sait aussi broder et cuisiner. Elle traduit à livre ouvert le latin en français et en espagnol, connaît les mathématiques et l’histoire…

Ses talents sont si évidents que pour elle, son père, le roi Philippe II, a rassemblé à l’Escurial des oeuvres des plus grands artiste flamands et italiens.

Dès 1585, il l’associera à toutes ses réflexions et à toutes ses décisions. Le choix de sa personne et de son époux pour assumer la fonction partagée de gouverneurs des terres espagnoles du nord n’est donc pas le simple fruit du hasard ou de la nécessité.

Qui plus est, après de nombreuses années d’exactions des troupes espagnoles placées sur le territoire, l’arrivée du couple est perçue comme une bouffée d’air par nos ancêtres. Mais cette arrivée représente également un réel danger pour la nation en devenir des Pays-Bas.

Isabelle
Son « Souverain », Maurice de Nassau-Orange stathouder des Dix-Sept provinces calvinistes du Nord depuis 1576 craint l’influence que pourrait avoir cette arrivée sur « l’opinion publique ». Qui plus est ce débarquement impromptu contrarie ses projets de conquête de toutes les côtes du pays. Une nouvelle guerre éclate. C’est Albert lui même qui se rend au secours de Nieuport assiégée. Il y sera certes défait malgré sa bravoure, une blessure et la perte de 3000 hommes, mais décidera immédiatement le siège d’Ostende où il y tiendra un Maurice de Nassau assiégé qui ne pourra dès lors se vanter ni tirer profit de sa victoire.

L’attitude courageuse d’Albert lui vaudra l’approbation de Madrid et l’envoi de renforts sous la forme de deux stratèges italiens, les frères Ambroise et Frédéric Spinola. Le premier commandant les troupes à terre assurant le siège, le second la flotte assurant le blocus. Quant à Isabelle, elle incarnera l’ardente volonté des assiégeants en faisant le voeu de garder la même chemise pendant toute la durée du siège… Et ce dernier dura trois ans ! Cet épisode a laissé dans le langage courant une expression évocatrice. Un cheval couleur « café au lait » est aussi appelé un « cheval Isabelle » ! Quant à la ville d’Ostende, elle sera finalement prise, asseyant par la même la renommée d’Isabelle.

Tout en poursuivant la guerre, une place importante est également prévue dans le jeu politique des époux pour la négociation car son opinion est faite. Il faut obtenir la paix « sans perdre réputation et honneur ».

Le Traité de Londres instaurant la paix est signé le 29 août 1604 et le 9 avril 1609 une Trêve de douze ans est conclue entre l’Espagne catholique et les Pays-Bas protestants. Philippe II a du s’en retourner dans sa tombe, mais on tient là l’esquisse de ce qui deviendra deux siècles plus tard le royaume de Belgique. Nous sommes alors en 1610 et les provinces gouvernées par Albert et Isabelle qui viennent de vivre quarante trois années de guerre sont exsangues. Le temps des grandes réformes est arrivé. Conseillé par des juristes, le couple entreprend de refondre l’ensemble du droit civil et criminel. De ce travail, naît, en 1611, l’ « édit perpétuel » qui organise l’unification des provinces tout en conservant les particularités de chacune et où on est mentionné pour la première fois le « royaume de Basse-Belgie » On réforme également le système des impôts dont la répartition est revue ; l’usure est réprimée ; la sécurité des biens et des personnes est assurée ; la paix religieuse est restaurée. Dans les campagnes, on cultive à nouveau. On assèche les marais et gagne des terres sur la mer. Le drap de Flandres n’est plus le « produit phare » de nos régions mais on ouvre les premières houillères et « on bat le fer » pour la première fois dans le bassin de la Sambre et à Liège. A Anvers, on travaille la soie. Isabelle tient un rôle personnel important dans le travail des « cuirs dorés », de la dentelle, et dans le développement des tapisseries d’Audenarde et de Bruxelles. Les Universités de Louvain et de Douai rayonnent sur l’Europe de la Contre-Réforme. En architecture, un nouveau style fait fureur, le baroque flamand. La vie est belle et soudain douce, pour tous, ou tout au moins pour le plus grand nombre… Quant à Isabelle, elle montre à son peuple sa joie de vivre. Elle ne cesse de donner des fêtes auxquelles le « bon peuple » participe. On dit aussi qu’elle cultive les fleurs, qu’elle aime. Qu’elle s’occupe des pauvres… Qu’en temps de guerre, elle broie elle-même la charpie…

Mais elle n’a pas d’enfant et les clauses du contrat qui la lie précisent que dans ce cas à la mort d’un des deux époux, la couronne des Flandres retournera à l’Espagne.

En 1621, année où la trêve de 12 ans arrive à son terme, Albert meurt. Isabelle aurait souhaité se retirer dans un couvent, mais il lui est demandé, pour conforter l’illusion que rien n’a changé, d’assurer le gouvernement, en la ramenant toutefois au rang de « gouvernante générale », elle qui a quasiment construit ce royaume de ses mains.
Elle s’astreindra à cette tâche, jusqu’à sa mort, en 1633 sans plus jamais quitter le costume de l’ordre des clarisses où elle aurait aimé se retirer.

Sa mort, mettra fin pour les Pays-Bas à une période d’essor et de calme et il faudra attendre l’issue de la guerre de trente ans pour que la guerre civile s’éteigne et que la paix revienne.

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